La volatilité des marchés est de retour : notre point de vue sur trois facteurs qui expliquent le récent repli des marchés

Principaux points à retenir :

  • Après une hausse de 25 % de l’indice S&P 500 et un rendement de 20 % de l’indice canadien TSX au cours des six derniers mois, le ton des marchés semble avoir changé au cours des dernières semaines. L’indice canadien TSX a clôturé en baisse pour les deux dernières semaines et l’indice S&P 500 a reculé pour la troisième semaine consécutive. Jusqu’ici, l’ampleur du repli a été relativement limitée : L’indice S&P 500 est en baisse d’environ 5,5 % par rapport à ses récents sommets, et l’indice canadien TSX, d’environ 4 %. Par ailleurs, le Nasdaq, qui est fortement axé sur les technologies, a perdu environ 7 %. Toutefois, les segments sensibles aux taux d’intérêt du marché, y compris les actions à petite capitalisation et le secteur immobilier, ont reculé davantage. Quant à lui, l’indice VIX de volatilité, parfois appelé « indice de la peur », se dirige vers un sommet pour l’année.
  • Selon nous, la volatilité a été déclenchée par une combinaison de données et de nouvelles récentes. Premièrement, le marché a révisé ses attentes à l’égard des baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) et prévoit maintenant une seule baisse de taux en 2024. En outre, il s’ajuste à ce nouveau régime de taux d’intérêt « plus élevés pendant plus longtemps ». Deuxièmement, les tensions géopolitiques ont augmenté, en particulier au Moyen-Orient, ce qui a également exercé des pressions à la hausse sur les prix du pétrole et des produits de base au cours des dernières semaines. Troisièmement, la période de publication des résultats du premier trimestre pour les sociétés de l’indice S&P 500 est en cours et, même si les résultats surpassent les prévisions, les perspectives présentées ont été plus faibles que prévu. Les sociétés technologiques à mégacapitalisation, dont Microsoft, Google et Meta, publieront leurs résultats la semaine prochaine, et les investisseurs surveilleront de près les signes de faiblesse.
  • La volatilité des marchés après une forte remontée n’est pas inattendue. Même s’il est bien connu qu’il est difficile de déterminer le creux d’un repli, nous savons que des corrections de l’ordre de 5 % à 15 % sont normales au cours d’une année donnée. À notre avis, la question la plus importante est de savoir si un repli pourrait se transformer en un contexte baissier profond ou prolongé (qui est habituellement assorti de pertes de 20 % ou plus). Nous ne pensons pas que la probabilité est élevée, puisque l’économie américaine demeure assez robuste, que l’économie canadienne devrait afficher une croissance plus faible, mais positive, soutenue par la résilience de la demande des consommateurs et la vigueur du marché de l’emploi, et que la croissance économique mondiale se stabilise. Par conséquent, les investisseurs pourraient profiter de ce repli pour rééquilibrer et diversifier leurs placements, en plus de faire des achats périodiques par sommes fixes, surtout ceux qui n’ont pas pleinement participé à la récente remontée rapide.

Après une forte reprise des actions, les marchés se sont repliés au cours des dernières semaines. Nous savons que les corrections boursières sont normales au cours d’une année donnée, surtout après une remontée de 25 % de l’indice S&P 500 au cours des six derniers mois.

 Ce graphique montre que les segments sensibles
Source: Bloomberg, au 19 avril 2024. Les sept magnifiques sont représentées par Apple, Amazon, Alphabet, Meta Platforms, Microsoft, NVIDIA et Tesla.

Nous présentons trois facteurs qui expliquent la récente volatilité des marchés et notre point de vue sur chacun d’eux :

1. Le marché a révisé ses attentes à l’égard des baisses de taux de la Fed

Au cours des dernières semaines, l’un des principaux changements auxquels les marchés ont dû s’ajuster est la notion selon laquelle les réductions de taux de la Fed pourraient être reportées cette année ou ne pas avoir lieu du tout. En fait, les marchés s’attendent maintenant à une seule baisse de taux de la Fed en 2024, à la réunion de septembre du FOMC, selon la plus forte probabilité.1 Il s’agit d’un changement important par rapport aux six réductions de taux qui étaient prises en compte par les marchés au début de l’année.3 Par conséquent, les taux des obligations d’État ont augmenté, les taux des obligations du Trésor à 2 ans et à 10 ans étant de nouveau près de leurs sommets pour l’année, et les marchés boursiers se sont repliés. En particulier, les segments sensibles aux taux d’intérêt du marché ont inscrit des rendements inférieurs, y compris les actions à petite capitalisation et les secteurs comme l’immobilier, ainsi que les marchés obligataires en général.

 Ce graphique montre la tendance mensuelle et la moyenne sur trois mois des emplois non agricoles aux États-Unis.
Source: Bloomberg.

Notre point de vue : Le raisonnement qui sous-tend le rajustement des attentes quant aux réductions de taux de la Fed est largement attribuable au fait que l’inflation aux États-Unis est plus persistante que prévu, d’après les récentes données. L’inflation selon l’indice des prix à la consommation (IPC), par exemple, est passée de 3,1 % sur 12 mois à 3,5 % au cours des trois premiers mois de l’année.2 Ces récentes tendances, conjuguées à une forte croissance économique et à une consommation résiliente (les ventes au détail ont largement dépassé les attentes le mois dernier) ont fait en sorte que les attentes à l’égard des baisses de taux de la Fed ont été repoussées encore une fois.

Toutefois, même si l’évolution de l’inflation a été cahoteuse au cours des derniers mois, nous aimerions souligner quelques facteurs clés. Premièrement, l’inflation a déjà considérablement diminué. Aux États-Unis, l’inflation globale est passée de 9,1 % en juin 2022 à 3,5 % le mois dernier.2 La plupart des investisseurs s’attendaient à ce que la dernière étape avant que l’inflation passe de 3,5 % à 2,5 % (ou moins) prenne un certain temps et n’évolue pas en ligne droite, précisément le contexte que nous observons aujourd’hui. Deuxièmement, certaines composantes de l’inflation ont surpris à la hausse, notamment les secteurs de l’assurance automobile et des soins de santé, et viennent s’ajouter aux augmentations attendues des prix du pétrole et de l’énergie. Mais dans l’ensemble, les composantes de l’inflation les plus surveillées, y compris les logements et les loyers, sont demeurées maîtrisées.

À notre avis, rien dans les récents rapports sur l’inflation ne donne à penser que certaines des récentes tendances de désinflation ont pris fin et que l’inflation a été ravivée de façon significative ou soutenue. En fait, les récents rapports sur le marché de l’emploi qui montrent un assouplissement des gains salariaux soutiennent également ce point de vue. Au Canada, l’inflation a évolué dans la bonne direction de façon soutenue, même au cours des premiers mois de l’année, l’IPC global s’établissant maintenant à 2,9 %. Compte tenu de l’amélioration de l’inflation et du contexte économique relativement plus faible, nous croyons que la Banque du Canada (BdC) sera plus susceptible de commencer à réduire les taux d’intérêt en juin ou en juillet, peut-être avant la Fed.

2) Les tensions géopolitiques ont refait surface, provoquant de l’incertitude sur les marchés et à l’égard des prix des produits de base

Au cours des dernières semaines, nous avons aussi été malheureusement témoins d’une recrudescence des tensions géopolitiques, centrées sur le conflit émergent entre Israël et le Moyen-Orient, qui a aussi alimenté la volatilité des marchés. Bien que les tensions géopolitiques soient difficiles à contrecarrer, elles ont tendance à se manifester plus directement sur les marchés des produits de base et, dans ce cas-ci, sur les marchés pétroliers. À la suite de l’annonce d’une escalade des tensions entre Israël et l’Iran, les prix du pétrole brut WTI ont grimpé pour atteindre 87 $ le baril, un sommet pour l’année. Toutefois, au cours des derniers jours, les prix du pétrole et des produits de base ont généralement reculé, peut-être en raison de l’idée selon laquelle les tensions pourraient s’être quelque peu apaisées.

 Ce graphique montre le taux de chômage au Canada.
Source: Bloomberg.

Notre point de vue : Une des principales préoccupations des investisseurs à l’égard des récentes tensions géopolitiques pourrait être le risque que l’offre de pétrole soit gravement perturbée dans une économie comme l’Iran. Toutefois, compte tenu de l’offre dans les pays de l’OPEP+ et aux États-Unis, nous estimons que ce risque est réduit dans une certaine mesure, car l’offre peut être rendue disponible au besoin, ce qui se reflète peut-être sur les marchés des produits de base dernièrement. En particulier en cette année d’élections, les États-Unis favoriseraient, selon nous, la stabilité des marchés des produits de base et de l’économie au cours des prochains mois.

Un autre facteur à prendre en considération est que l’économie mondiale semble se stabiliser, ce qui pourrait aussi stimuler la demande pour les produits de base en général à l’échelle mondiale. La croissance du PIB de la Chine au premier trimestre, par exemple, s’est établie à 5,3 % en rythme annualisé, ce qui est supérieur aux attentes, et les marchés émergents montrent généralement de plus en plus de signes d’activité économique.2 Cela établit également un plancher pour les prix du pétrole et des produits de base, alors même si nous pourrions connaître un certain répit à court terme, nous ne nous attendons pas à ce que les prix du pétrole reviennent à leur niveau de moins de 70 $ observé à la fin de l’année dernière.

3) La période de publication des résultats continuera d’occuper le devant de la scène; ce sera le tour des sociétés technologiques à mégacapitalisation la semaine prochaine

Le troisième facteur expliquant la récente volatilité des marchés – et peut-être la volatilité future – a été la période de publication des résultats du premier trimestre. Même s’il est encore tôt, environ 14 % des sociétés de l’indice S&P 500 ayant publié leurs résultats, nous avons déjà observé une certaine indigestion du marché par rapport aux bénéfices des sociétés et à leurs perspectives.2 En particulier, les grandes banques américaines, qui sont habituellement les premières à publier leurs résultats, ont globalement dépassé les prévisions de bénéfices. Cependant, les prévisions des banques ont suscité de plus en plus d’inquiétudes; on se demande si le revenu d’intérêts net pourra être maintenu dans ce nouveau contexte de taux d’intérêt « plus élevés pendant plus longtemps », car le coût de détention des dépôts demeure élevé. Par conséquent, le secteur de la finance s’est replié la semaine dernière, puisque les attentes quant aux bénéfices futurs ont été révisées à la baisse.

Notre point de vue : La semaine prochaine, plusieurs sociétés technologiques à mégacapitalisation feront état de leurs bénéfices, notamment Microsoft, Google et Meta (Facebook). Les attentes sont élevées pour ces sociétés en ce début de période de publication des résultats et, bien qu’elles aient reculé de 6 % à 8 % au cours des derniers jours, leurs actions ont tout de même progressé de plus de 20 % chacune depuis la fin d’octobre 2023.2 Compte tenu de l’accent mis sur les prévisions, il sera important que ces sociétés présentent de solides perspectives pour que la correction boursière reste contenue dans les secteurs axés sur la technologie et la croissance. Gardez à l’esprit qu’il s’agit des segments les plus volatils du marché et qu’ils ont tendance à se replier davantage que l’ensemble du marché en période de baisse. Toutefois, de solides bénéfices et des prévisions favorables pourraient raviver l’élan des secteurs axés sur la technologie et des marchés en général.

 Ce graphique montre que l’indice S&P 500
Source: FactSet.

Dans l’ensemble, même si le ton sur les marchés a changé au cours des dernières semaines, les taux obligataires ayant augmenté et la plupart des indices boursiers ayant baissé, l’ampleur du repli a été jusqu’ici contenue. Après une remontée de plus de 25 % de l’indice S&P 500 et de plus de 20 % de l’indice canadien TSX, une période de consolidation ou de prises de profits était prévue. À notre avis, la question clé est de savoir si le récent repli pourrait se transformer en un contexte de marché baissier profond ou prolongé (avec des baisses de plus de 20 % dans plusieurs secteurs). Nous n’entrevoyons pas encore cette possibilité pour deux raisons principales : 

  1. Premièrement, les marchés baissiers ont tendance à se produire lorsque l’économie est en récession ou entre en récession. Aucune de ces conditions n’est en place à l’heure actuelle. En fait, les économies américaine et canadienne demeurent résilientes, et les données publiées la semaine dernière sur le commerce de détail aux États-Unis (qui ont été deux fois plus élevées que les attentes) montrent que la consommation demeure saine.
  2. Deuxièmement, les marchés baissiers ont tendance à se produire lorsque les banques centrales relèvent les taux. À notre avis, la barre pour les hausses de taux demeure haute pour la Fed et, bien que l’inflation ait été persistante, nous ne croyons pas que les conditions sont en place pour que celle-ci soit ravivée de façon durable. Nous estimons que la prochaine intervention de la Fed et de la BdC sera probablement une baisse de taux.

Par conséquent, même si la durée et l’ampleur de toute correction sont difficiles à prévoir, nous croyons que les investisseurs peuvent envisager d’utiliser cette période de volatilité pour rééquilibrer et diversifier leurs placements, en plus d’utiliser les achats périodiques par sommes fixes pour ajouter graduellement des placements de qualité assortis de meilleurs prix à leurs portefeuilles – en prévision d’une période de reprise potentielle, en partie attribuable à la baisse des taux au cours de la prochaine année.

 Ce graphique montre la tendance du taux de chômage aux États-Unis 24 mois
Source: Morningstar Direct et Edward Jones. Rendement des cours de l’indice S&P 500. Les périodes de récession aux États-Unis, définies par le NBER.

Mona Mahajan
Stratège en placement

Sources :1. Outil FedWatch de CME 2. FactSet 3. Bloomberg.

Statistiques hebdomadaires du marché

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Statistiques hebdomadaires du marché

Indice

Clôture

Semaine

Cumul annuel

TSX

21 807-0,4 %4,1 %

S&P 500

4 967-3,0 %4,1 %

MSCI EAEO *

2 236,31-2,3 %0,0 %

Obligations canadiennes de catégorie investissement

-0,6%-3,1 %

Rendement du gouvernement du canada sur 10 ans

3,73 %0,1 %0,6 %

Huile ($ par baril)

82,13 $4,1 %14,6 %

CAD-USD échange de devises

$0.730,2 %-4,0 %

Source : FactSet. 4/19/2024. Le rendement passé n’est pas garant du rendement futur. Les indices boursiers ne sont pas gérés et on ne peut y investir directement. *Source : Morningstar, 4/21/2024.

La semaine à venir

Les données économiques importantes publiées cette semaine comprennent les ventes au détail au Canada et les données sur le PIB des États-Unis pour le premier trimestre.

Mona Mahajan

Mona Mahajan est responsable de l’élaboration et de la communication des perspectives macroéconomiques et des marchés financiers de la société. Son expérience comprend l’analyse des actions et des titres à revenu fixe, la stratégie de placement mondiale et la gestion de portefeuille.

Elle écrit ou apparaît régulièrement à CNBC, Bloomberg TV, dans le Wall Street Journal et Barron’s.

Mona Mahajan détient une maîtrise en administration des affaires de la Harvard Business School, un baccalauréat en finance de la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie ainsi qu’un baccalauréat en informatique de l’École d’ingénierie de la même université.

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Renseignements importants

Sources : *FactSet et Edward Jones **Rapport national sur l’emploi d’ADP, en date du 30 août 2023